Dans la nuit du 8 octobre, je fais un de ces rêves en boucle, avec une scène qui se répète en diverses variations.
Il s'agit du baiser entre un matelot et une infirmière photographié sur le vif par Alfred Eisenstaedt pour le magazine LIFE, le jour où on a annoncé la fin de la deuxième guerre mondiale. (Peut-être parce que la semaine d'avant, j'avais photographié une murale inspirée de cette photo, qu'on pouvait admirer le long du sentier High Line à New York.)
Le lendemain matin, j'ouvre le Globe et tombe sur un article sur la fameuse photo. Apparemment, un blogue écrit là-dessus récemment vient de faire couler beaucoup d'encre!
Un baiser viral
Une bloggeure de Londre a analysé ce baiser comme une représentation d'une aggression sexuelle plutôt que d'une célébration. Son blogue, publié le 30 septembre 2012, est devenu viral la semaine dernière. Entre autre, on peut y lire: "The fact that this much-loved photo is a depiction of sexual assault, rather than passion, is an uncomfortable truth". Les faits que relève l'auteure du blogue sont que le marin et l'infirmière étaient en fait de parfaits inconnus, que le gars était saoul, et que la fille n'avait pas embrassé, elle avait été embrassée.
Aggression sexuelle? Mais je rêve!
En fouillant un peu, j'ai trouvé cet article du 18 juin 2012, dans lequel un journaliste a interviewé le marin et sa femme (qui n'est pas l'infirmière). Dans l'article, on apprend que c'était le premier rendez-vous du marin et de sa future femme. Qu'ils étaient au cinéma mais que tout le monde est sorti dans la rue en plein milieu du film, qui ne pouvait faire compétition à l'extraordinaire nouvelle que la guerre était terminée.
Bien sûr, la jeune infirmière, femme de son époque, se devait de confirmer qu'elle n'avait pas choisi d'embrasser un inconnu. Mais tout comme la future femme du marin, qui n'en a jamais voulu à son futur, ne peut-on pas imaginer que l'infirmière était toute aussi prise par la fièvre collective (vous avez déjà vu comment des gars machos s'embrassent quand les Canadiens marquent le but qui leur assure la coupe Stanley?) et qu'elle a vécu ce baiser pour ce que c'était? Une jubilation plus grande que soi, à la fin d'une longue guerre ignoble.
On peut aussi lire dans cet article que le marin et l'infirmière se sont revu plusieurs fois depuis, et cordialement.
L'art et les émotions
Tout est dans la perception, n'est-ce pas? Peu importe l'histoire personnelle derrière cette photo, des millions de personnes ont ressenti la jubilation du V-Day en 1945 en la regardant. Des millions de personnes se sont imaginé une histoire qui les a touchées en la regardant. Et cette histoire leur appartient.
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