Wednesday, April 24, 2013

Manon Côté: directrice musicale de l'ensemble vocal Les Voix du coeur

Quand chanter sous la douche 
ne suffit plus!
S’il y a quelqu’un qui sait combien il est vital de se connecter avec ce qu’on aime et de lui faire une place dans notre vie, c’est Manon Côté. Voilà 18 ans qu’elle troque régulièrement son chapeau de directrice des communications de Radio-Canada pour celui de directrice musicale de l’ensemble vocal Les Voix du coeur, aidant ainsi les chanteurs de tout acabit à trouver leur voix.

L’ensemble vocal étant en pleine effeverscence en vue de son prochain spectacle au Lula Lounge les 8 et 9 mai prochain, il n’y avait pas de meilleur temps pour assister à une répétition. 

La répétition
L’ensemble comprend une trentaine de chanteurs amateurs. Plusieurs sont avec Les voix du coeur depuis des années. Les nouveaux qui ont joint les rangs suite aux auditions tenues par Manon en septembre et en octobre dernier ont maintenant quelques mois de pratique dans le corps. Ils se rencontrent tous les mercredi soirs à l’école secondaire Étienne-Brûlé et un samedi après-midi par mois dans la résidence de l’une des choristes étant du groupe depuis 15 ans.) 

Tout ce beau monde faisait un blitz de répétition samedi dernier dans la belle grande maison de leur collègue. En arrivant sur les lieux, je sonne sans réponse et décide de pousser la porte. Je marche sous le toit cathédrale vers le grand salon qui accueille un piano à queue, quatre musiciens et tous les choristes suivant Manon qui les dirige à travers les passages difficiles d’une orchestration ambitieuse. 


Le film “Fame”, vous connaissez?
Puis, le groupe se disperse tandis que les musiciens installent des micros. Dans la grande cuisine de la maison, plusieurs choristes discutent en se préparant un café pendant que deux chanteurs pratiquent leur duo dans un coin. Ça commence déjà à ressembler à mon film fétiche “Fame”. 



Puis, une partie des chanteurs retourne au salon pour accompagner deux solistes interprétant New York, New York. Je les écoute quelque temps, rigolant en voyant combien la directrice musicale utilise tout son corps pour diriger cette chanson entraînante. Puis j’entreprend de voir ce qu’il se passe avec les autres choristes.





La référence au film “Fame” est complète. Derrière les portes closes, je découvre deux choristes pratiquant une chorégraphie dynamique dans la cuisine, un quatuor chantant sans retenue dans la salle à dîner, une joyeuse bande se trémoussant en entonnant une chanson dans le grand bureau du maître de maison qui a battu en retraite, bon joueur. Et, m’a-t-on dit, j’ai manqué ceux qui pratiquaient au sous-sol. 

Comme m’explique une choriste: “On ne perd pas de temps. Pendant que Manon s’occupe d’un groupe, les autres groupes se préparent!” 




Il faut un capitaine
Ces amateurs agissent comme de vrais pros, et ils s’entendent pour dire que Manon y est pour quelque chose. “Elle est fantastique!”, affiment-ils, en cherchant les bons mots pour expliquer leur expérience enrichissante au sein des Voix du coeur.



Il semblerait que la grande force de Manon Côté est de fournir aux chanteurs l’occasion de constater qu’en acceptant d’explorer au-delà de notre zone de confort, de se dépasser un peu plus avec la discipline et surtout, de s’engager personnellement et envers le groupe, on retire une satisfaction immense et on récolte de grandes joies (pas mal plus qu’en chantant tout seul dans sa douche). 

Originaire de la Gaspésie, Manon a certainement acquis le goût de la rigueur et de la discipline chez les cadets de la marine, qu’elle a joints à l'âge de 13 ans. Elle a continué son engagement à Québec et y a consacré 13 ans de sa vie, allant de cadette, à officier, jusqu'à commandant d'une unité de 100 cadets à Cap-Rouge. (Leader un jour, leader toujours.)

Son père, lui-même commandant d’unité, était mélomane. La maison familiale comptait des milliers de disques classiques. Manon s’est impliquée dans toutes les activités musicales qui s’offraient à elle: formation en piano classique, choriste au secondaire, camps de musique, camps de cadets... Elle a éventuellement dirigé la fanfare des cuivres, bois et percussions des cadets (le tuba étant son instrument de prédilection! Vous imaginez un peu?).

Cing ans sans musique 
Quand le moment du choix de carrière est arrivé, Manon a opté pour des études en communications, est déménagée à Toronto, puis a délaissé la musique durant cing ans... 

En 1994, elle entend parler d’une chorale francophone fondée par Bernard Dionne. Elle ramène enfin la musique dans sa vie en entrant dans la chorale. Deux ans plus tard, elle en devient la directrice. Se rappellant son hyatus de cing ans, elle comprend très bien le précieux service qu’elle rend en aidant d’autres amoureux de la musique à renouer avec leur passion.

L’amour et l’humour de la musique
L’ensemble vocal crée depuis des années un spectacle annuel plutôt ludique de style cabaret (très bien servi d’ailleurs par le Lula Lounge un peu gypsie sur les bords).


La directrice musicale s’est découvert un talent d’agente de casting, voyant rapidement le potentiel de ses choristes pour le théâtre ou la danse. L’expérience lui a aussi montré le pouvoir d’un costume pour chasser les inhibitions des chanteurs amateurs. 

N’oubliant jamais sa vision d’un spectacle d’amateur de grande qualité, Manon offre des ateliers de technique vocale aux nouveaux choristes. Elle appuie chacun afin qu’ils retirent le maximum de leur expérience scénique. 




Elle renforce sans cesse la notion que  la contribution d’un choriste un peu timide qui préfère ne pas trop ressortir du groupe est aussi importante que celle du soliste qui se découvre un petit côte “bête de scène”. 

Moi aussi, moi aussi!
Pour quelle raison va-t-on voir un spectacle amateur alors qu’il y a tant de spectacles professionnels offerts dans une ville comme Toronto?


Je soupçonne que c’est parce que ça nous donne de l’espoir, de voir ces gens qui se sont permis de vivre leur passions, d’y consacrer temps et énergie, pour le seul plaisir. À la fin d’un bon spectacle amateur , on ne peut s’empêcher de penser qu’avec un peu d’effort et de courage, on pourrait, nous aussi, s’éclater un peu plus dans nos vies.

Les prérequis pour joindre Les voix du coeur en septembre prochain? Avoir une voix juste, aimer chanter... et être un peu fou. 











L’ensemble vocal Les voix du coeur
www.lesvoixducoeur.com
Renseignements et billets: 416-267-1880
ou evlesvoixducoeur@gmail.com 
Réservations de table: 416-588-0307

Où: Lula Lounge 1585 Dundas West (à l’ouest de Dufferin)
Quand: Mercredi 8 mai et jeudi  9 mai. Les portes ouvrents à 18h30, le spectacle commence à 19h30
Combien: 20$ à la porte (15$ pour étudiants et aînés). APPELEZ pour réserver! Coût de la nourriture et des consommations non inclus.



Autres portraits de passionnés

Wednesday, April 17, 2013

La compagnie Dove continue de redéfinir la beauté

On est plus belle qu'on ne le pense!
Vous voulez la preuve?

Depuis que la compagnie Dove a choisi de se positionner comme une compagnie voulant briser les stéréotypes de la société sur ce qui définie la beauté (il y a plusieurs années de ça), elle n'a pas cessé de m'impressionner.

Leur dernière trouvaille est plutôt recherchée! Ils ont émis l'hypothèse que les femmes n'ont pas une idée juste de leur image. Et pour le prouver, ils ont créé une expérience de Dove réellement originale!

Dove a demandé à plusieurs femmes de décrire leur visage à un artiste formé pour réaliser des portraits robots de criminels décrit par des témoins.

Puis, ils ont demandé à des étrangers de décrire ces même femmes à l'artiste.

Sur le site de Dove, on peut comparer les deux portraits. Immanquablement, celui décrit par les étrangers est plus flatteur... et plus juste! Sur le clip, on peut voir la réaction émotive des femmes quand elles découvrent les deux portraits.

Ça fait réfléchir n'est-ce pas?
Brillant!

Tuesday, April 16, 2013

Amazon.ca: Look inside!

Mes guides de Toronto sur amazon.ca
Look inside!

Pour ceux qui sont curieux de voir de quoi ont l'air mes trois guides, voici leur lien sur amazon.ca, qui a la bonne idée d'offrir la fonction "Look inside" à ses visiteurs.

Look inside Toronto Fun Places... for families (5th ed.)
Look inside Toronto Urban Strolls... for girlfriends 1 (2nd ed.)
Look inside Toronto Urban Strolls... for girlfriends 2

La fonction Look inside vous permet de feuilleter une sélection de pages tirées du livre quand vous cliquez sur son image.



Search inside!
La fonction "Look inside" fait plus que ça. En bas de la colonne de gauche, il y a une petite section plutôt cool: "Search inside this book".

Inscrivez un mot clé ou un nom d'attraction entre guillemets (par exemple "Toronto Zoo") et il apparaitra dans la colonne de gauche le lien des pages où Toronto Zoo est mentionné dans le guide.
Amazon montre toutes les pages mais n'active pas nécessairement tous les liens. En cliquant sur les liens actifs, vous verrez la page en question dans le grand cadre.

Et c'est vrai pour tous les livres sur Amazon affichant la fonction Look inside.







Johanne Pepin: illustratrice

Le pouvoir d’une boîte de Prismacolor
Portrait d’une passionnée de l’illustration
(adaptation de l'article paru dans L'Express de Toronto du 16 avril 2013)

Nous, les parents, avons souvent le réflexe de miser sur les cours coûteux pour aider nos enfants à développer leur talents. Mais les éléments déclencheurs qui leur feront découvrir une passion sont parfois aussi simple qu’une belle boîte de crayons Prismacolor, un coin de table de cuisine et le regard d’une mère heureuse qu’on existe.

Ce fût le cas de Johanne Pepin, l’illustratrice avec laquelle je travaille toutes les fois que l’occasion se présente depuis plus de vingt ans et qui lancera son exposition solo le 28 avril prochain (se poursuivant jusqu’au 9 juin) au Musée régional de Vaudreuil-Soulanges

Sur les bancs d’école
Déjà au primaire, la petite Johanne jetait un oeil critique sur les illustrations dans ses livres d’école. Elle aimait les beaux dessins de Jeannot et Jeannette en géographie et se disait qu’un jour elle aussi serait “dessinatrice”.

Adolescente pragmatique (voyant que les faits semblaient donner raison à sa famille soutenant qu’une graphiste, ça gagne sa vie, mais pas une artiste) elle choisit de s’inscrire en graphisme au cégep du Vieux-Montréal.

Chassez le naturel...
L’artiste réalise rapidement qu’elle ne peut réprimer sa fantaisie. Elle plonge et se définie maintenant comme une illustratrice. Décision qu’elle n’a jamais regrettée.

Implantée dans le Vieux-Longueuil, la jeune femme commence tranquillement à tisser les liens avec sa communauté. Elle illustre l’un des beaux édifices historiques de la ville pour un organisme. Le fleuriste local dont elle est cliente lui donne des contrats. Les Beaudry, propriétaires de la discothèque L’Arcane et du bar Sept (deux institutions dynamiques du Vieux-Longueuil), séduits par son travail, lui donnent une série de contrats d’illustrations pour cartons d’invitation et affiches de soirées thématiques.



Le début d’une belle collaboration
C’est là que nos chemins se croisent. Quand j’étais étudiante, je travaillais comme serveuse à l’Arcane (que de plateaux renversés... définitivement pas ma profession). J’avais toujours hâte de voir la prochaine illustration que Johanne Pepin nous ferait et me promettais d’un jour travailler avec elle.

L’occasion s’est présentée six ans plus tard alors que je travaillais en marketing pour l’APCHQ (Association Provinciale des Constructeurs d’Habitations du Québec) sous la direction passionnée de Lucie Daoust. Quand elle m’a annoncé qu’on investirait dans un cahier spécial dans La Presse en l’occasion du Mois de la maison neuve, j’ai enfin pu commander à Johanne une illustration (pour la page couverture du cahier). 

Ma directrice et moi avions “brainstormé” une promotion permettant aux nouveaux propriétaires de maison de recevoir un coupon de 25$ pour l’achat d’un arbre chez Botanix, avec lesquels Lucie s’est empressée de négocier. Pour l’affiche promo et les annonces, Johanne a créé une adorable maison dans les arbres, qui lui a inspiré plusieurs oeuvres par la suite (j’en ai une sur mes murs). La campagne fût un grand succès.

L’essayer, c’est l’adopter
En 1995, quand j’ai initié les quatre années de recherche pour réaliser la première édition de mon guide Toronto Fun Places, je savais déjà que Johanne Pepin en ferait la page couverture. (Elle a depuis fait les couvertures de mes trois guides.)

Les autres clients de l’artiste lui sont tout aussi fidèles. Parmi ceux avec lesquels elle travaille depuis plus de vingt ans, il y a son premier “vrai” client, pour lequel elle vient de terminer un contrat pour le dictionnaire illustré Le Myosotis (conçu spécialement pour l’apprentissage du français langue seconde et soutenu par une foule d’outils pédagogiques).

Suite à l’exécution d’une belle vache faite pour une comptine publiée par La courte échelle, la Fédération des Producteurs de Lait du Québec a sécurisé les services de Johanne pour illustrer une foule de brochures et de matériel scolaire visant à établir son branding. Ça tombait bien, Johanne a toujours adoré les vaches. (Quand j’ai visité sa petite maison à la campagne, il y avait le “cut-out” grandeur nature d’une de ses vaches dans son jardin. Johanne Pepin est une artiste à l’originalité discrète.)

Le bonheur des petites villes
Établie depuis des années dans la petite ville de Coteau-du-Lac, tout près de Vaudreuil-Dorion au Québec, l’artiste a continué de s’impliquer dans sa communauté. “Quand tu habites dans une petite ville, tu croises le maire à l’épicerie, sa femme au gym. La responsable des loisirs devient ton amie. L’implication est concrète et directe”, explique Johanne.

Elle a fait l’affiche du Marché champêtre de la région. La municipalité lui a commandé une série de quatre grandes affiches pour une campagne de civisme dont les habitants se rappellent (voir l’article du Journal L'étoile). Elle a illustré des t-shirst de camp de jour, fait le logo d’une maternelle locale...

Des oeuvres qui font du bien
Pierre Cousineau est un entrepreneur qui a du flair... et du coeur (il était fait pour s’entendre avec Johanne Pepin). Il est à la tête de muralunique.com (une compagnie spécialisée dans la production de tableaux-murales sur papier peint pré-encollé faciles à installer soi-même). Pour lui, Johanne a réalisé plusieurs toiles grand format, joyeuses et colorées, dont il a tiré de belles murales qu’on peut acheter en ligne.

L’homme d’affaire a eu la bonne idée de demander à Johanne une série de toiles qu’il a reproduites en murales et offertes à l’Hôpital Ste-Justine, pour apporter du réconfort aux petits visiteurs. 

On peut voir des photos des murales sur les murs de l’hôpital dans un article du Journal Première Édition de Vaudreuil-Dorion dans lequel une représentante de l’hôpital commente: “C’est incroyable de voir l’impact et les commentaires reçus en rapport à ces toiles. Parce qu’elles sont remplies de détails fascinants, elle captent l’attention des enfants et les calment. En plus, elle mettent de la vie pur le personnel de l’hôpital. Elle fait, elles ont presque un effet thérapeutique.”

Bonheurs d’enfants
Pas étonnant que la nouvelle exposition de Johanne Pepin au Musée régional de Vaudreuil-Soulanges (dans laquelle elle présentera une trentaine d’oeuvres petites et grandes, exécutées à l’acrylique sur toile ou à l’aquarelle) s’intitule Bonheurs d’enfants.

“J’ai maintenant la chance d’avoir des petits-enfants que j’appelle mes museaux (mes petites muses). Ils sont une source d’inspiration qui me replonge dans mes propres bonheurs d’enfant.” me confiait l’artiste. 

“Mes plaisirs et mes joies sont faits de toutes petites choses, comme la fois où mon petit-fils Julien m’avait cueilli une tomate-cerise, qu’on a dégusté en cachette pendant que les autres nous cherchaient. Je regarde les petites mains de Simone qui sert le thé à ses toutous... A travers ma fascination pour l’enfance, il y a aussi mes valeurs de vie simple, de prendre soin de ceux qu’on aime. La sensualité au quotidien, la gourmandise et la beauté. Je m’émerveille de plein de choses: le soleil dans la cuisine, l’air frais sur ma joue, les tiges de pommiers quifleurissent dans un pot, l’eau d’un lac ou d’un ruisseau, les bébés.”

Et l’artiste de conclure, reconnaissante: “Dans mes tableaux, j’arrive à exprimer ce que je ne dis pas avec des mots. Je suis chanceuse.”

Pour voir Johanne durant la conception de la couverture de Toronto Urban Strolls 2, voyez cette chaîne de blogs:
The making of Toronto Urban Strolls 2

Saturday, April 13, 2013

The Dumbest Generation, de Mark Bauerlein

Un monde sans adultes pour les jeunes
(Je rapatrie ici un article que j'ai publié en 2011 dans mon ancien blog On arrive-tu)

On ne sait plus s'il faut débrancher tout ce beau monde (nos enfants) ou embrasser pleinement cette tendance qui envahie nos vies mais qui semble les préparer pour un avenir de plus en plus technologique. Mark Bauerlein, auteur du livre The Dumbest Generation n'y va pas de main morte pour argumenter qu'il est temps que les adultes s'en mêlent.

Durant l'année scolaire, on pense qu'ils sont attelés devant leurs livres à étudier, on les retrouve devant leur page sur Facebook. On les croit endormis à poings fermés, puis on remarque la lueur bleutée de leur cellulaire sur leur visage tandis qu'ils échangent des textes-messages avec leurs amis. L'été, c'est pire. Trop jeunes pour travailler, trop vieux pour être gardés, ils ont un accès illimité à l'internet et ils en abusent, comme le prouve leur teint blafard en plein mois de juillet. Ça nous rend fou mais comment renverser la vapeur de ce phénomène social si séduisant (d'ailleurs, qui d'entre nous n'a pas vérifié son courriel à plusieurs reprises aujourd'hui)? 

The Dumbest Generation (La génération la plus bête), publié en anglais exclusivement en 2008, porte deux sous-titres drastiques: How the Digital Age Stupefies Young Americans and Jeopardizes Our Future (Comment l'ère digitale anesthésie les jeunes Américians et met notre futur en péril) et (au cas où on ne serait pas assez alarmés) Don't Trust Anyone Under 30 (Ne faites confiance en personne âgé de moins de 30 ans).

Les ordis au bûcher?
Avec pareil titre, on pourrait croire que l'auteur (un professeur d'anglais à l'Université Emory à Atlanta qui a aussi dirigé des recherches sur la culture et la vie américaine pour la National Endowment for the Arts) recommande de mettre tous les ordis et portables au bûcher. Cependant, le propos du livre de Mark Bauerlein est plutôt de jeter un regard objectif sur l'intellect des jeunes d'aujourd'hui afin de démontrer que la promesse de tous les bienfaits que la nouvelle technologie apporterait à leur développement ne s'est pas réalisée. 

À grand renfort de résultats d'études et de statistiques dans des chapitres aux noms inquiétants (traduction libre: Le déficit de la connaissance, Les nouveaux bibliophobes, Le non-apprentissage de l'apprentissage en ligne, La trahison des mentors), l'auteur s'évertue à nous faire comprendre que nous avons jeté le bébé avec l'eau du bain à force de nous concentrer que sur l'intégration de la technologie dans notre vie contemporaine au détriment des autres véhicules de la culture.

Bauerlein relève plusieurs cas de conseils scolaires américains revenant sur leur décision après avoir investi des millions en ordinateurs et logiciels éducatifs durant des années, sans résultats concrets d'amélioration de l'apprentissage des mathématiques et de compréhension de textes. Il est indéniable que l'acquisition d'ordis dans les écoles accroit le plaisir des jeunes dans la salle de classe. Cependant, on n'a pas remarqué d'amélioration de la performance scolaire chez les étudiants informatisés.

Ouverture sur le monde?
Amélioration de la lecture?
On s'extasie souvent sur l'ouverture sur le monde que l'Internet permet aux jeunes d'aujourd'hui. William Strauss et Neil Howe, les auteurs du livre Millennials Rising: The Next Generation, prévoyaient en 2000 qu'à cause de la fascination des jeunes pour les nouvelles technologies, nous assisterions à une renaissance culturelle qui aurait des conséquences séismiques sur l'Amérique.

Il est vrai que tout est là sur l'Internet: les grandes oeuvres, les encyclopédies, l'accès aux journaux du monde entier, la science, les faits historiques et tous ces beaux textes qui ouvrent l'esprit. Mais voyons dans les faits la nature des sites qui sont consultés.

Selon le site eBizMBA, les 15 sites web les plus visités en cet été de 2010 sont les suivants:
1) YouTube: 175 000 000 visiteurs uniques par mois (site de clips)
2) Wikipedia: 125 000 000 visiteurs (encyclopédie allimentée et visitée par les visiteurs)
3) Blogger: 121 000 000 (site de blogues)
4) craigslist: 90 000 000 (site d'annonces des particuliers)
5) WordPress: 89 500 000 (site de blogues)
6) Twitter: 80 500 000 (site facilitant la diffusion de messages de 144 mots)
7) flickr: 79 000 000 (site diffusant des photos)
8) IMDB: 60 000 000 (site diffusant info sur films)
9) photobucket: 55 000 000 (site diffusant photos et clips)
10) digg: 45 000 000 (site d'info alimenté par les Diggers, le pouls d'une certaine communauté)
11) eHow: 43 000 000 (site "How to" avec articles et vidéos, soumis par la communauté)
12) TypePad: 26 000 000 (site de blogues)
13) HubPages: 24 500 000 (site publiant articles soumis par les Hubbers)
14) deviantART: 21 500 000 (site diffusant l'art de la plus grande communauté artistique au monde)
15) wikia: 21 100 000 (autre communauté de collaborateurs publiant de l'info sous les rubriques Entertainment, Gaming et Lifestyle)

Ajoutons les deux sites de «networking social» les plus populaires: Facebook avec 250 000 000 visiteurs uniques par mois et MySpace avec 122 000 000 visiteurs mensuels.

En comparaison, les 10 sites scientifiques les plus populaires attirent au total 53,350,000 visiteurs uniques par mois. (Ce qui est moins que les 10 sites de rencontre les plus visités qui totalisent 79,950,000 visiteurs uniques.)

Aouch!

Un miroir d'eux-mêmes
L'influence des amis s'est toujours fait sentir mais avec l'avènement des courriels, cellulaires, facebook, Twitter, la pression ininterrompue des paires a atteint des niveaux sans précédent. Au lieu de créer une génération plus que jamais ouverte sur le monde, l'horizon des jeunes s'est en fait refermée sur eux et la scène sociale qui les entoure.

Quand ils ne sont pas sur les sites de réseautage social, les jeunes vont sur les sites du genre Wikia, dont le slogan fort approprié est «Collaborate with people who love what you love.» (Collaborez avec les gens qui aiment ce que vous aimez.)

Avec toute la flexibilité (à priori fort louable) que procure l'internet, les jeunes se construisent un environnement virtuel qui leur renvoie un miroir d'eux-mêmes, à l'abri des adultes. Ils se retrouvent avec une représentation faussée du monde et ils affichent des opinions inébranlables qui sont continuellement renforcées par leur milieu homogène.

Comme nous l'explique Mark Bauerlein, la génération des moins de 30 ans en vient à n'avoir de contacts qu'avec elle-même. Il n'y a presque plus d'interaction verticale entre cette couche de la société et les adultes qui les ont précédés. La seule modélisation qui a lieu est horizontale.

Des nains sur les épaules des géants
Le philosophe Bernard de Chartres est celui qui a dit dans les années 1120: «Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants. Nous voyons ainsi davantage et plus loin qu'eux, non parce que notre vue est plus aigüe ou notre taille plus haute, mais parce qu'ils nous portent en l'air et nous élèvent de toute leur hauteur.»

Selon l'auteur, même les mentors d'aujourd'hui, les professeurs d'université, ont abdiqué et ne font plus valoir auprès de leurs étudiants la valeur de l'expertise, de l'expérience, des connaissances traditionnelles. On ne voudrait surtout pas décourager les jeunes avec la notion du laborieux apprentissage sur lequel s'appuie cette expertise. On a tellement acheté le discours de l'estime de soi et de l'expression individuelle qu'on a négligé de faire valoir les bienfaits de la connaissance en soi, en permettant aux jeunes de ne focusser que sur la connaissance de soi.

Avez-vous déjà remarqué que nos enfants n'ont somme toute jamais l'occasion d'apprécier le niveau d'expertise des professeurs qui dirigent les cours qu'on leur offre? Une fillette peut faire quatre ans de violon sans n'avoir jamais entendu sa prof s'attaquer à une sonate classique digne de ce nom. Les bambins qui suivent les cours de karaté ne savent pas de quoi est capable leur enseignant détenteur d'une ceinture noire. Les petits sportifs ne voient jamais leur entraîneur se donner à fond sur le terrain. Autant d'occasions manquées de leur montrer à quoi ils peuvent aspirer, à quoi sert de mûrir.

La maturité est en partie motivée par les modèles qui nous arrivent d'en haut, par nos contacts avec les personnes plus âgées que nous: les enseignants, les employeurs, les oncles et tantes, les grands frères ainsi que les parents. Quand les opportunités de modélisation verticales s'offrent, elles permettent aux jeunes de mettre leurs «grandes» préoccupations en perspective.

Sortir de sa zone de confort
Quand on passe trop de temps dans un milieu homogène, on évite peut-être le désagrément d'avoir à affronter des gens dont le comportement nous irrite, mais on se prive aussi d'une des conditions primordiales pour apprendre: l'opportunité d'entendre la version des autres.

Les jeunes ont besoin d'une retraite de leur monde d'ado afin d'être exposés à autre chose. Ils ne peuvent le faire seuls, ils ont besoin de l'aide des adultes. Et ceci constitue le cri de ralliement de Mark Bauerlein: il est du devoir de tous les plus de 30 ans d'arrêter de faire de notre monde un univers tourné exclusivement vers les enfants et ce qui les intéresse.

Je n'irais pas aussi loin que l'auteur qui dit qu'il est temps qu'on explique aux jeunes que l'adolescence n'est qu'un état inférieur fait de petits défis sans comparaison avec la vraie vie qui se déroule sur la place publique, politique et historique. (Son but avoué n'est ni plus ni moins que celui de sauver la démocracie qui s'appuie sur la connaissance.)

Je préfère focusser sur de plus petites réussites en faisant de temps en temps sortir mes enfants de leur petit univers afin d'élargir leurs horizons. En tant qu'auteure d'un guide sur les sorties en famille, j'ai d'ailleurs noté que mes enfants n'abordaient généralement pas de gaîté de coeur les sorties inconnues que je leur imposais. Au début, je puisais dans des raisons pécunières le courage de leur forcer la main (c'est pour le guide). Mais éventuellement, je le faisais sans regret parce que j'avais observé qu'ils finissaient toujours par se laisser porter par le plaisir de découvrir quelque chose de nouveau.

Personne n'a dit son dernier mot
Il est vrai que les jeunes n'ont jamais été aussi conscients les uns des autres et en perpétuel contact. Il est aussi vrai que ces jeunes semblent entièrement tournés sur eux-mêmes. Cependant, ne dit-on pas que l'adolescence se termine maintenant à 26 ans? (En 2005, 20% des Américains de 26 ans vivaient chez leurs parents, contre 11% en 1970.)

La génération du millénaire a présentement entre 10 ans et 30 ans. La majorité d'eux n'a donc pas encore atteint l'âge adulte (nouvellement redéfinie comme 27 ans et plus). Est-il si naïf d'imaginer que cela risque de donner des résultats intéressants pour la société, quand ils commenceront inévitablement à être préoccupés par des sujets plus matures?

Puis, il ne faut pas oublier la pression des Baby Boomers qui fait ralentir le momentum de la glorification de la jeunesse insouciante ayant déterminé notre société depuis les années 60. Ils sont plus en forme physiquement et financièrement que les générations précédentes au même âge. Ils ont bien vécu leur «trip hédoniste» et sont maintenant à l'étape de leur vie où ils ont envie de redonner à la société.

Avec un tel programme, il se pourrait que les jeunes aient enfin envie de prendre leurs aînés comme modèle.

Autres revues de livres pour tenter de comprendre notre société: