Il y a de ces enthousiasmes qui sont contagieux. Et la passion pour l’art contemporain des artistes rencontrés lors de la Nuit Bouffe était franchement communicative. Mais la plus grande valeur de cet événement était certainement son accessibilité. Avec son concept acceuillant, à forte dose d’humour et de rebondissements, BRAVO tient un événement de qualité qui mériterait de devenir une rendez-vous francophone, une semaine avant la Nuit Blanche de Toronto.
Pour donner le ton à la Nuit Bouffe, les artistes sont littéralement “partis sur une balloune”! (Elle n’est pas de moi mais du maître de cérémonie Marc Lemyre, en grande forme pour l’occasion.)
De l’art Pop?
Voilà quelques années que le collectif PADEJO s’éclate dans des projets loufoques de construction de structures gigantesques entièrement faites... de ballons. La soirée a donc débuté dans l’atrium de Metro Hall, avec un petit verre et des canapés servis autour d’une immense sculpture autoportante représentant une sorte de reine-mère insecte avec son petit, entourée d’une clôture de barbelés (mon interprétation, j’ai le droit, c’est de l’art contemporain).
Le trio PADEJO est constitué des artistes Denis Leclerc, Joseph Muscat et Paul Walty aimant explorer dans un travail collectif des modes d’expression différents de leur style personnel.
Pourquoi des ballons? “Parce qu’on cherchait un médium léger qui se transportait dans une valise, pour créer un événement à Sudbury. Ça ne nous tentait pas de louer un camion!” nous explique Denis Lecler, pince-sans-rire. De plus, ça fait des “maudits beaux parties” de “pétage de ballounes”! Le grand public était convié à venir crever tous les ballons de la sculpture le lendemain après-midi à la clôture des activités de la Semaine de la Francophonie. Vous imaginez un peu?
L’art nait souvent des contraintes. En s’imposant celle-ci, le trio s’est amusé à improviser tout en explorant le matériel. Chemin faisant, ils ont pu apprécier le contact avec le public qui vient avec une longue création s’étendant sur plusieurs jours dans un espace public. “On ne sait jamais où ça va terminer. La surprise est belle.”
Ceci est une installation
Parlant de surprise, le public a participé à une petite activité surprise menée par Thom Sokoloski, partenaire du traiteur The Cheese Gourmand (il nous guidera plus tard dans une dégustation de fromages) mais également passionné des installations et commissaire du volet de Nuit Blanche Dada ReBoot! devant se dérouler samedi le 29 septembre prochain à la Distillerie.
Nous ayant invités à nous fabriquer un masque de fortune avec une page de journal, il nous fait tourner autour de l’oeuvre de PADEJO, masqués, en nous filmant à ronde avec son iPhone. Cette expérience, nous explique-t-il, illustre bien ce qu’est l’installation en art contemporain.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça brise la glace. Ainsi réchauffés, nous nous empilons dans un autobus scolaire (le véhicule par excellence pour une ambiance bon enfant) en direction de la Distillerie. Premier stop: la galerie Engine où expose présentement Paul Walty.
BRAVO épate la galerie
En se tapissant l’estomac d’une délectable terrine du chef Didier Leroy (pour faciliter la métabolisation de l’alcool qui promettait de couler à flôt toute la soirée) nous écoutons Denis Leclerc nous parler de l’art de l’installation au coeur de la belle galerie. Une discussion fort intéressante s’improvise sur le champ, sur cet art de groupe et sa place dans notre quotidien.
Puis Paul Walty présente son oeuvre, une série de douze dessins puissants de femmes solides, illustrant bien la maîtrise de l’artiste (que plusieurs d’entre nous connaissent autrement, dans le cadre de ses ateliers d’animation donnés dans les écoles élémentaires).
Dans la soirée, nous aurons l’occasion de prendre un trou normand dans la somptueuse Galerie Thompson Landry où le sculpteur Luc Bihan nous parlera de son processus de création: “Créer, ça vous soigne l’esprit.” (Il est à la tête LucSculpture, une école de sculpture pour tous âges des plus dynamiques.)
Nous visiterons également le Labo pour y voir en primeur l’oeuvre d’art numérique de Manuel Chantre, qui y sera lancée durant la Nuit Blanche. “Non, ce n’est pas de la peinture à numéro!” souligne Marc Lemyre d’un air faussement sévère à un public rendu plus fort sur l’humour “bottine” à cette heure avancée de la soirée.
Improvisation au menu
Durant le repas (constitué d’une superbe entrée de saumon et d’un coquelet en sauce, suivi d’une dégustation de fromages artisanaux du Québec) se déroulait au son des guitares de Bernard Dionne et son partenaire de crime Xavier Didelot, tous deux menant la double vie d’enseignants de l’élémentaire et de musiciens.
Avant le repas, la danseuse Julie Lassonde nous a raconté une expérience de mauvaise improvisation puis s’est lancé avec grâce et force dans une improvisation, réussie celle-là, au son de la contrebasse de Bernard. Il est fascinant d’apprendre que cette femme pratique à la fois le droit et la performance artistique. La thèse de maîtrise de la jeune avocate a fait le pont entre ses deux passions. Il faut y jeter un petit coup d’oeil pour réaliser comment l’art peut même influencer le monde du droit.
Comme nous disait Marc Lemyre en début de soirée: “Si vous prenez ce soir le risque de parler à des inconnus, vous laisserez entrer une chose nouvelle dans votre univers. Si cette chose vous appartient à la fin de la soirée, l’art aura fait son travail de subtile transformation.”
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