Thursday, July 3, 2014

Benjamin Aillaud: Accompagnateur dans la relation Homme-Cheval

Pour les passionnés de chevaux!

Je reprends ici un article que j'ai écrit dans L'Express de Toronto suite à ma rencontre en mai 2012 avec l'inspirant directeur équestre de Cavalia, Benjamin Aillaud parce qu'il vient de se lancer dans la production de vidéos d'entraînement équestre. À la fois simples et fascinantes, ses leçons sont offertes en format VOD (Video On Demand), dont plusieurs sont aussi disponibles en DVD. De courts segments en français ou en anglais donnent une idée du contenu de chaque leçon. Un incontournable pour les passionnés de chevaux.
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Tous les chevaux mènent à l'homme
Nathalie Prézeau pour L'Express de Toronto, 12 mai 2012

Directeur artistique, metteur en scène, scénographe, concepteur visuel, éclairagiste, costumier, compositeur, chorégraphe, voire même directeur d’écurie, on a une bonne idée de ce que tous ces gens font pour générer un spectacle du calibre d’Odysseo. Mais directeur équestre? Voilà qui est un peu plus mystérieux. Alors, pleins feux sur Benjamin Aillaud, directeur et chorégraphe équestre de Cavalia depuis 2009.


Le jeune directeur de 36 ans se présente à l’entrevue, grand et élancé comme un pur-sang arabe. En le voyant, on se dit qu’une bonne agence de casting n’aurait pas mieux choisi pour jouer son rôle dans un film équestre de Hollywood.

Sa feuille de parcours impressionne. Quand il est arrivé chez Cavalia à 33 ans, il avait été quatre fois champion de France en attelage à quatre chevaux et s’était placé deux fois vice-champion du monde dans cette discipline (une épreuve de vitesse et de précision). Cependant, pour se faire une idée plus juste du directeur, il faut savoir qu’il a passé son enfance sous un chapiteau. (Il y a aussi le petit détail d’une école équestre unique qu’il a créée en France avec un partenaire: l’Écurie des Elfes blancs, mais ça, c’est une autre histoire!)

L’école de la vie

Quand il avait 6 ans, maître de ses gains amassés en assistant ses parents dans leur travail, il achète son premier cheval, qu’il baptise Apache et avec lequel il se rend à l’école. (Il ne s’agit évidemment pas ici de l’école de votre enfance, mais d’une toute petite, de 10 élèves, lovée dans les Pyrénées.)


Le petit Benjamin entrainera son nouveau compagnon, comme un gamin sans idée préconçue, qui ne remet pas en question ses envies. «Je voulais faire comme Zorro avec mon cheval, alors je lui ai montré à se cabrer et à sauter les clôtures. Je voulais pouvoir me cacher derrière Apache, donc je l’ai entrainé à se coucher sur commande. J’avais besoin d’aide pour construire des cabanes. Je lui ai appris comment tirer des troncs d’arbre.»

Chemin faisant, l’expérience lui démontre que tout sert, que chaque acquis dans un domaine a une incidence sur les autres domaines. «En tirant les troncs, mon cheval se développait des muscles, qui lui donnaient un meilleur équilibre pour sauter les obstacles. En travaillant ainsi côte à côte lui et moi, on développait une relation ‘à pied’ qui ajoutait à la richesse de notre relation.»


Le plaisir d’apprendre

«Qu’est-ce qu’on va faire aujourd’hui pour ne pas s’embêter?» demandait le jeune Benjamin à son cheval. Cette question ludique, le directeur et chorégraphe équestre continue de se la poser tous les jours.

Comment, en effet, assurer une qualité constante du spectacle Odysseo, en tournée pour des années, si l’on gère chevaux et cavaliers de façon mécanique? «Ce qu’il faut, c’est cultiver le plaisir d’apprendre, en bâtissant sur les acquis, dans le respect», répond Benjamin.


«On ne casse pas ce qu’on a construit la veille, explique le directeur équestre. On part de la force des gens et des chevaux. On bâtit donc sur ce qu’ils ont naturellement envie de faire. On leur donne les outils pour faire bien et mieux, tout en les initiant aux bases des autres disciplines.» Beau principe de réforme scolaire, n’est-ce pas?

Benjamin fait la tournée des chevaux chaque matin pour évaluer leur état physique et mental et planifier en conséquence l’horaire des entrainements, qu’ils fassent ou non parti du spectacle ce soir-là. Chaque cheval arrive ainsi à maîtriser quatre disciplines, chacune avec un cavalier différent. Personne ne s’ennuie!

De grands sensibles

Si vous êtes parent et lisez L'Express, vous élevez probablement des Franco-Ontariens et vous avez sûrement déjà fait l’expérience de ces gens qui s’étonnent de l’accent de vos enfants au lieu de s’émerveiller du fait qu’on ait réussi à les éduquer en français dans un milieu majoritaire anglophone. Il y a de petits miracles comme ça qui échappent à certains, faute de connaissance du contexte.

Benjamin fait remarquer que dans une scène du spectacle Odysseo, dans laquelle un troupeau de chevaux en liberté s’ébat sur la colline, les étalons présents ne se battent pas entre eux, alors qu’il en serait autrement avec d’autres chevaux. «Les rapports de force sont la réponse de la peur. On enlève la peur, on élimine le rapport de force.»


Comment arrive-t-on à ce petit miracle de l’approche Cavalia? «Si j’entre comme ça chaque matin dans les stalles, ça a un certain impact», démontre-t-il en ouvrant avec fracas la porte du box d’un cheval blanc qui mangeait tranquillement, et y pénétrant à grands pas autoritaires (comme une mère exaspérée qui réveille son ado pour la 3e fois, vous voyez le genre?).

Il referme la porte et procède à une nouvelle démonstration. «Par contre, si je fais comme ça, l’impact est tout autre pour le reste de la journée, pour le cheval, pour l’écuyer, pour toute l’écurie», explique-t-il en poussant doucement la chevillette de métal pour libérer sans bruit la porte de la stalle, puis en attendant silencieusement sur le seuil que le cheval le remarque.

Plusieurs psychologues affirment que 90% de la communication est non verbale. Et il se trouve que les chevaux sont beaucoup plus sensibles que nous à tous les détails du langage du corps.

Nos petits gestes

Si on pouvait ne retenir qu’une leçon d’un entretien avec Benjamin Aillaud, c’est la compréhension de cet impact qu’ont tous nos petits gestes sur les autres. C’est dans ces petits détails que réside notre capacité de créer un milieu respectueux, familial ou corporatif, où l’on retrouve le plaisir ludique d’apprendre de nouvelles choses.

En fouillant un peu sur internet, on réalise que ce directeur équestre fait partie d’une école de pensée de pédagogues fascinés par les chevaux et ce qu’ils peuvent nous apprendre sur nous-mêmes et sur une nouvelle façon de gérer notre société.

Ceux qui aimeraient en savoir davantage voudront voir du côté de Linda Kohanov, auteure du livre Le Tao du cheval, qui publiera sous peu The Power of the Herd. On peut en lire des extraits très prometteurs sur son site eponaquest.com


Lire aussi mon article Odysseo est en ville: partez en cavale! dans L'Express de Toronto.





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